Cet été où le mari de Christine m’a (presque) tiré dessus

J’ai longuement hésité avant d’écrire et raconter ce qui m’est arrivé cet été. Cette histoire a été traumatisante mais ayant enfin récupéré de mes émotions, je pense qu’il est temps de vous partager ce que j’estime être le récit le plus dingue de cette année 2018.

Nous sommes vers la dernière semaine du mois d’août. J’arrive à la fin de mes jours de congés. Je suis rentré dans le sud-ouest, terre natale, après avoir rapidement vagabondé dans des pays voisins. Habitant désormais en région parisienne, l’accès à l’océan et aux piscines m’est assez limité. Et s’il y a quelque chose dont j’ai besoin quand il fait 35 degrés dehors, c’est une étendue d’eau dans laquelle faire macérer mon corps musclé.
Qui plus est, je suis habitué depuis ma tendre enfance à aller tous les étés à la plage. Se baigner avant de retourner sur Paris n’était donc pas une option. Hélas, il semblerait que j’ai mal choisi mes amis puisqu’aucun d’entre eux n’a de piscine.

Soit.

Me considérant comme un michtonneur 2.0, j’ai mené l’enquête afin de savoir quelle piscine j’allais pouvoir squatter. La seule personne qui aurait pu me libérer de cette nécessité absolue de baignade n’étant pas chez elle, les choses s’annonçaient compliquées. Du moins, jusqu’à que j’aille parler à ma mère.

– Maman, tu connais pas quelqu’un qui pourrait me prêter sa piscine le temps d’un après-midi ?
– Je peux demander à mon amie Christine si tu le souhaites, fils adoré.
– Merci mère, ce serait très appréciable. Et tant que j’y pense, il y a du linge sale dans ma chambre qui attend d’être lavé.

Suite à plusieurs relances, ma mère appelle donc son amie. Après quelques minutes passées au téléphone, le verdict tombe. Et il me frappe au visage. De manière positive. Je vais pouvoir aller me baigner.

garçon qui dab

Bien entendu, ne souhaitant pas la jouer cavalier seul, je propose à ma camarade Emma de se joindre à moi (j’ai surtout besoin qu’on prenne de belles photos de moi pour fournir mon compte instagram). Ma mère me donne les instructions pour se rendre chez son amie Christine (c’est la campagne chez moi, le gps ne connaît pas le lieu-dit) et nous prenons la route. Nous sommes attendus par le mari de cette Christine. Sauf que son mari… nous ne le verrons jamais.

*suspens*

Nous arrivons donc sur place. Du moins, nous espérons qu’il s’agisse de la bonne maison. Nous avons bien passé l’ancien abattoir de la ville et avons tourné à gauche après avoir dépassé le grand moulin “rouge sang”. Nous avons suivi à la lettre les instructions.

Le parking de la maison est vide, la piscine l’est également. Seul le robot nettoyeur provoque un léger remous à la surface. La maison est fermée à clé, volets à moitié baissés. Nous toquons à la porte. Aucune réponse. De ce fait, nous nous installons près de la piscine, en pensant que le mari de Christine est parti faire des courses.

Il fait beau, le soleil tape. Nous enduisons nos corps de crème solaire, trempons un pied dans la piscine, puis le deuxième, le troisième… jusqu’à que notre corps soit submergé par l’eau fraîche, bienvenue par ce temps. Le petit domaine est entouré d’arbres et de champs. Nous sommes cachés des maisons voisines, situées un peu plus en hauteur.
Et c’est à ce moment précis que les choses ont commencé à prendre une tournure inquiétante.
J’étais dans la piscine, face à mon amie, qui me prenait en photo. Je multipliais les poses avec la fougue et l’authenticité d’un mannequin. Je lui demande :

– C’est bon, tu as réussi à capturer ce cliché qui me fera serrer sur Tinder ?

Elle ne me répond pas. Elle regarde dans ma direction, immobile.

– Allo Emma ?

Encore aujourd’hui, je me souviens avoir entendu son rythme cardiaque s’accélérer, comme si l’eau avait été conducteur de son stress soudain. Je comprends alors qu’elle ne me regarde pas à moi. Mais quelque chose derrière moi. Je me retourne, sans trop savoir à quoi m’attendre et mon corps fait un sursaut monstrueux. Je deviens blanc et mes muscles se tendent alors qu’un élan d’adrénaline me parcourt. Devant nous se tient un homme, la cinquantaine, un fusil de chasse pointé sur nous. Il est habillé d’un t-shirt blanc, déchiré et taché de rouge, un jean transformé en bermuda et des chaussures recouvertes de terre. Ma mère m’a dit que le mari de Christine était agriculteur.
Au début, je ne comprends pas ce qu’il dit. Je suis apeuré, je recule vers mon amie alors que le fusil de l’homme suit mon déplacement. Il parle avec un très fort accent du sud-ouest. Voyant qu’on ne réagit pas, il se remet à crier, de sa voix grave remplie de colère.

– VOUS ALLEZ LE REGRETTER ! AH ! VOUS LES JEUNES, VOUS VOUS CROYEZ PERMIS DE TOUT ?!

Mon amie commence à pleurer, elle s’accroche à mon bras et le serre de toutes ses forces. Je prends mes couilles à deux mains et tente de communiquer avec l’homme qui pourrait nous tirer dessus à tout moment. Les mots sortent de ma bouche dans le désordre. Jamais je n’aurais pensé qu’il était possible de perdre aussi vite ses capacités à faire quoi que soit. L’homme est fou. Vraiment. Alors que je suis en train d’écrire ces lignes, je le vois encore gesticuler dans tous les sens, agiter son fusil vers Emma et moi. JE FLIPPE.

– VENIR SUR MA PROPRIÉTÉ ? PROFITER DE MON ABSENCE POUR VOUS BAIGNER ?

Il parle cruellement et avec un langage loin d’être soutenu. Ayant du mal à me souvenir avec exactitude de ses propos, je les reconstitue ici d’une manière un peu plus littéraire. En gros, il nous reproche de s’être introduit chez lui sans aucune autorisation.

J’essaie de lui expliquer qu’on nous a autorisé à venir. Il s’énerve encore plus et imite le bruit d’un coup de fusil tout en nous menaçant une nouvelle fois. Emma ne parle pas, elle est tétanisée. Sur le coup, j’ai vraiment cru que nous allions y passer.
Petite info cher lecteur : c’est faux*. Quand on est sur le point de mourir, on ne voit pas sa vie défiler devant ses yeux (allez savoir pourquoi, j’ai quand même pensé à la dernière saison de Game of Thrones que je ne verrai jamais…).
L’homme, toujours aussi violent, commence à se rapprocher de nous en contournant la piscine. Mon coeur s’accélère une nouvelle fois. Je tente encore de lui expliquer les raisons de notre présence chez lui. Je le supplie d’appeler sa femme.

– Ma femme ? QUELLE FEMME ?

Bah Christine, tocard ! J’essaie de garder mon sang froid. De ne pas davantage paniquer.

– Votre femme, Christine, qui connaît ma mère. C’est elle qui nous a autorisé à venir ici !

A la mention du prénom “Christine”, l’homme se calme d’un coup. Il s’arrête, abaisse son fusil, nous regarde et, étrangement, nous sourit. Sourire glauque, je dois le préciser. Mais un vrai sourire.

– Christine vous a autorisé à venir vous baigner chez elle ?

C’EST CE QU’ON T’EXPLIQUE DEPUIS 10 MINUTES ! J’acquiesce.

– Ah, mais vous vous êtes trompés de maison !

Il abaisse son fusil et nous montre qu’il n’est pas chargé.

– Christine habite juste au dessus, faut continuer plus loin après avoir tourné à gauche du moulin rouge.

Et c’est là qu’Emma et moi comprenons : nous avons mal compris les directives adressées par ma mère. On s’est trompé de maison… et donc de piscine.

* tout comme cette histoire

Bob